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Roland

Barthes





n°3 - Barthes en revues (1942-1980) > mars 2017




Jacqueline Guittard

Roland Barthes, lecteur de la presse populaire illustrée


Feuilleter et lire la presse populaire – entendons la presse à grand tirage non spécialisée – est un geste anodin que tout le monde accomplit chez soi. Même lorsque Roland Barthes avoue s’y livrer chez le coiffeur, la lecture de la presse populaire n’est pas aussi désinvolte qu’il semble ; elle relève d’abord d’une nécessité scientifique exigée par son inscription en recherche lexicologique au CNRS mais elle se double dans le même temps d’une jouissance du quotidien en train de se faire monde et histoire dans les colonnes des journaux. C’est principalement dans l’écriture mythologique que se reverseront les articles « vus » ou « lus » par Roland Barthes, dont l’ordinaire factuel sera transfiguré sous la pression de deux forces apparemment étrangères l’une à l’autre : le politique et le scientifique. Le présent article se propose de montrer ce que doit la formation du chercheur Barthes au projet mythologique à et comment elle contribue à l’élaboration d’une écriture métissée où le politique cesse peu à peu le pas devant le théorique.



Barthes, chercheur et lecteur au CNRS


Roland Barthes lecteur de la presse du XIXème siècle


À Maurice Nadeau, qu’il rencontre pour la première fois en 1947 chez les Fournié à Montmorency, Roland Barthes fait état de son projet : partir à Besançon pour faire de la linguistique[1]. Or, l’Université quoique modeste, est spécialisée en lexicologie ; son doyen Georges Matoré, également directeur des cours de civilisation française à la Sorbonne, contribue à sa renommée, appuyé en cela par Julien Algirdas Greimas et un jeune assistant qui ne tardera pas à se faire connaître : Bernard Quemada. Roland Barthes a terminé en juin 1943 son dernier certificat de licence en grammaire et philologie, et c’est précisément avec Georges Matoré qu’il s’est engagé dès 1950 dans des recherches lexicologiques. En 1952, il commence sa thèse principale sur « Le vocabulaire de la politique économique et sociale de 1825 à 1835 (environ)[2] » sous la direction de Charles Bruneau[3]. Quant à la thèse secondaire encadrée par Georges Matoré[4], elle a pour titre exact : « L’édition critique d’un chapitre de l’association domestique-agricole de Fourier : de l’éducation unitaire, tome 2, livre 2 ». À partir du 1er décembre 1952, Barthes fait officiellement partie du CNRS sous le statut d’attaché de recherche non agrégé (ARNA). Dépouiller la presse semble avoir rempli son quotidien. La datation du vocabulaire de la question sociale au dix-neuvième siècle nécessite de feuilleter les journaux de l’époque tels que Le Globe, Le Bon Sens, L’Opinion, L’Économiste, Le Progresseur[5], L’Avenir, Le Constitutionnel. C’est là une première fréquentation systématique avec l’univers de la presse écrite, et – dirions-nous avec un peu d’avance sur la chronologie – une fréquentation déjà structurale.

Ce sur quoi il convient d’insister, c’est que cette charnière du siècle sur laquelle Barthes travaille, particulièrement riche au plan politique – les Trois Glorieuses qui conduiront à la Monarchie de juillet – consacre déjà la presse comme premier média de masse. L’ouvrage de Christophe Charles, Le Siècle de la presse, montre la vigueur et le foisonnement des titres, ainsi que l’impact politique de leur tirage :

Penser, par exemple, qu’un journal du XIXe siècle, parce qu’il tirait, en général, à moins de 100.000 exemplaires, n’avait qu’un faible impact par rapport aux journaux au tirage millionnaire d’aujourd’hui ou aux chaînes télévisées aux millions de spectateurs, c’est sous-estimer les effets induits des circuits invisibles de diffusion.
Au moment de la révolution de 1830, les journaux parisiens tiraient à moins de 50000 exemplaires, tous titres confondus. Or leur action, au long des Trois Glorieuses (27, 28, 29 juillet 1830), a mobilisé une population d’environ 10.000 insurgés. Elle a réussi à faire reculer le pouvoir, les troupes et les défenseurs de l’ordre, malgré la modestie apparente des tirages des journaux qui protestent contre le pouvoir en place[6].

Christophe Charles avance quatre autres raisons majeures qui expliquent le développement de la presse. Bien rare parce qu’il est cher, le quotidien du XIXe siècle occupe une position centrale pour les lecteurs parce qu’il est le seul lien avec un monde extérieur lointain. On le lit à plusieurs en se le passant de main en main ou en le feuilletant dans des espaces collectifs. Le journal est conçu, comme ceux des années cinquante et ceux d’aujourd’hui, sur une maquette qui fait la part belle aux « rubriques transversales » : le feuilleton, le sport et le fait divers. Enfin, la presse s’éloigne de l’artisanat et se confond avec la grande industrie, ce qui en fait une « branche économique comme une autre [...] davantage soumise aux règles de la rentabilité capitaliste » qu’à la ligne éditoriale d’un « organe d’opinion[7] ». Ces caractéristiques font entrer de plain-pied les journaux dans l’ère de la communication de masse. Les journaux sur lesquels Barthes a travaillé et qu’il cite dans ses rapports de recherche sont issus de ce moment foisonnant, où se développent à la fois l’anticléricalisme, le libéralisme, le bonapartisme, mais aussi une nouvelle perception du christianisme. Le Constitutionnel, journal du commerce, politique et littéraire, était le premier quotidien français devant le Journal des débats. Le Bon Sens a été créé pour « donner la parole aux lecteurs ouvriers » en pratiquant « un prix le plus bas possible » mais il disparaîtra, censuré par la Commune. Le Globe[8], journal saint-simonien né après la disparition du comte pour assurer la diffusion du « Nouveau Christianisme », prônait « l’abolition des privilèges de naissance[9] » et l’amélioration du « sort moral, physique et intellectuel de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre[10] ». La communauté des Saint-Simoniens réunis autour du « Père » Enfantin avait de quoi séduire partiellement Barthes qui imaginera une communauté utopique dans son cours sur le « Vivre ensemble » : on trouvera d’ailleurs dans ses notes de recherches lexicologiques conservées à la Bibliothèque Nationale de France–Richelieu de nombreuses références au dit Enfantin, signe de l’intérêt que Barthes avait porté à cette expérience communautaire. L’Avenir lui aussi souhaitait dans une veine plus modérée adapter l’église aux changements de la société.

Il serait quelque peu hasardeux d’établir un parallèle exact entre la période de recherche de Barthes et la décennie 1950-1960, mais force est de reconnaître que ces deux moments historiques partagent quelques traits justifiant l’intérêt porté aux journaux qui en rendent compte : le renouvellement des titres, la constitution d’une presse en presse d’opinion et en média de masse.

La formation d’un regard


Dans son premier rapport de recherche lexicologique, Roland Barthes signale qu’il a daté une trentaine de mots : chômeur, décentralisation, industrialisation, outillage, parasitisme, rendement, prix de revient, syndicat, etc. Autant de mots fortement connotés politiquement donc. Charles Bruneau souligne les succès de son doctorant : chômeur est désormais attesté en 1822 par Roland Barthes, contre 1876 par Dauzat[11]. Le résultat, dans la perspective de notre propos en tous cas, est moins intéressant que le procédé. Au plan méthodologique, les « hypothèses de travail » de Barthes portent sur « la sémantique du mot en situation, considérée dans ses rapports de voisinage […] », c’est-à-dire qu’elles s’intéressent non seulement aux mots, mais encore « aux expressions (clichés) qui les contiennent[12] ». À cette fin, Barthes distingue trois catégories susceptibles de rendre compte de la structure du « cliché » : l’assiette, telle que Damourette et Pichon l’ont définie, l’euphémisme, et les valences[13]. C’est à partir de ces outils que Barthes élabore peu à peu un « répertoire phraséologique » espéré exhaustif. De cette méthode – que nous n’éclairerons pas plus avant ici – il convient de souligner qu’elle conduit à une compréhension très particulière du lexique. Barthes peut établir scientifiquement que les mots ne se combinent pas à l’infini : ainsi qu’il le dit, « les mots ne sont pas libres ; il y a une mort spatiale des mots[14] ». Dès lors, la langue présente des calcifications figées, sorte de squelettes immobiles plantés dans la vie lexicale et de ce fait bien visibles. Cette visibilité des mots et des clichés nous importe d’autant plus que nul n’ignore l’étrange maladie de Barthes : voir le langage.

La construction des fiches lexicologiques et phraséologiques ont façonné sans aucun doute un rapport au texte radicalement différent de celui qu’engage la lecture vécue comme un plaisir ou comme un apprentissage. Les journaux et magazines et autres textes que Barthes a utilisés n’ont pas été à proprement parler « lus », mais également « vus ». Réduit à une source lexicale historique, le document suppose que l’on s’attache moins à son strict contenu référentiel qu’à sa surface métalinguistique. Pour impropre ou infidèle qu’elle semble, l’expression rend compte toutefois de la position du lecteur accommodant sa perception pour qu’affleurent les mots et les clichés recherchés. Ils forment dès lors le seul relief du texte, constituant une nouvelle strate de signification. La lecture lexicologique préfigure donc celle à laquelle s’adonne « l’obsessionnel [qui] aurait la volupté de la lettre, des langages seconds, décrochés, des méta-langages, (cette classe réunirait tous les logophiles, linguistes, sémioticiens, philologues : tous ceux pour qui le langage revient)[15] ».

Dans un autre ordre d’idée, l’exigence scientifique de la lexicographie recommande un corpus vierge de toute discrimination esthétique, morale ou politique même s’il est limité à un champ, en l’occurrence, rappelons-le pour Barthes, celui du vocabulaire économique et social. Tout est bon à dépouiller et Barthes s’est appliqué à la tâche sur des textes d’une grande diversité qu’il convient d’ajouter aux journaux déjà évoqués : Enquêtes économiques sur les fers, les houilles et les sucres ; pamphlets politiques des environs de 1830 ; Recueil des Lois et arrêts de jurisprudence […] ; Code civil de 1804 ; correspondances de banques ; rapports d’Assemblée générale, archives du Ministère du Commerce et de l’Industrie. Et les œuvres de Saint-Simon. Hors des genres et des clivages, c’est dire si le texte « continue » pour reprendre une formulation de L’Empire des signes. Devant les petites révolutions des années cinquante, Barthes était donc bien disposé à considérer tout texte comme le fragment d’un discours sans couture.



La presse populaire dans les Mythologies


Le corpus barthésien des Mythologies


La lexicologie a donc son mot à dire quand il s’agit pour Barthes d’accepter la proposition que Maurice Nadeau lui a faite d’écrire une chronique mensuelle pour les Lettres Nouvelles. Roland Barthes déplace alors dans un autre espace, plus littéraire que scientifique, la lecture systématique de la presse populaire. Il est important de souligner ici que l’écriture mythologique se déploie en même temps que les travaux lexicologiques, bénéficiant des apports de la recherche scientifique. La dimension hétéroclite du recueil sera en effet lissée par l’intégration finale du supplément théorique « Le mythe aujourd’hui ». Les chroniques intitulées « Petites Mythologies du mois » qui paraissent dans les Lettres Nouvelles à partir de 1953 font très régulièrement appel à la presse populaire, d’autant que celle-ci a mué en profondeur.

Que le lecteur veuille bien pardonner ici une comptabilité un peu sèche et fastidieuse, mais il semble important, dans la perspective du sujet de faire un point le plus exact possible sur la part que prend la lecture de la presse dans l’écriture mythologique. Outre le recueil Mythologies, les contributions de Roland Barthes s’élèvent à 67 chroniques mythologiques entre 1953 et 1959 ; Barthes en prélèvera 53 pour constituer le recueil. Sur cet ensemble, 28 textes sont issus de la presse quotidienne et hebdomadaire car Roland Barthes mentionne clairement ses sources. Sept autres posent question, mais un examen attentif de l’écriture comme du contexte de sa production lève le doute. Pour deux d’entre eux (« L’Opération Astra » ; « Publicité de la Profondeur »), Roland Barthes cite des extraits qui ne peuvent provenir que des journaux. Concernant « Critique muette et aveugle » et « L’affaire Dupriez », le recours à la presse se déduit du procès de l’écriture. Pour l’un, Barthes égratigne les critiques qui n’ont pas su reconnaître l’intérêt de la pièce d’Henri Lefebvre sur Kierkegaard : c’est donc qu’il les a lus. Pour l’autre, il évoque le contenu de la plaidoirie de Maurice Garçon, l’avocat du prévenu : sauf à penser qu’il a assisté au procès, on peut conclure légitimement qu’il a suivi ce feuilleton judiciaire comme il l’a déjà fait avec l’affaire Dominici. « Le Vin et le lait » et « Le Visage de Garbo » ne se réfèrent à aucun moment à la presse ; mais les photographies qui s’y sont glissées permettent de les rattacher à une source journalistique. Dans « Le Vin et le lait », Barthes décrit une séquence de clichés parus dans Paris-Match qui montrent Pierre Mendès-France en train de boire un verre de lait à la tribune. Quant au « Visage de Garbo », c’est d’abord au film La Reine Christine que s’adosse la chronique. Mais, ainsi que le précise Barthes, ce film a été rediffusé « ces années-ci à Paris[16] » ; trop lointain, ce n’est donc pas lui qui a suscité le désir d’écrire sur l’actrice, mais bien plutôt le reportage de Match de février 1955, – « L’Enigme Garbo » – qui en fut l’origine ; il s’agrémentait de nombreuses photographies et d’un portrait pleine page signé par Anthony Beauchamp, tout à fait raccord avec la description barthésienne de l’actrice. Reste la septième chronique douteuse : « Quelques paroles de Monsieur Poujade ». Roland Barthes y accomplit une fine analyse du discours politique, émaillant sa chronique de nombreuses citations dont on ne peut établir avec certitude d’où elles proviennent, d’un livre ou d’articles.

L’escamotage des sources n’est pas seulement la rançon de l’écriture chronique (les lecteurs de l’époque sont supposés reconnaître de quoi et de qui il est question) ; c’est aussi l’expression de l’évidence chez Barthes. Quoiqu’il en soit, c’est donc plus de la moitié des mythologies (35/67 ou 34/67, soit 52%) qui sont écrites à partir de la presse quotidienne ou hebdomadaire. Pour le recueil, le pourcentage est légèrement supérieur : 29/53 (54%). Quels sont les titres préférés de Roland Barthes ? On ne sera guère surpris de lire que le magazine Paris-Match arrive en tête du classement ; il est sollicité à 8 reprises devançant Elle, Le Figaro, L’Express (quatre occurrences chacun), Le Progrès de Lyon, France-Soir, L’Equipe et Une Semaine du monde (une occurrence chacun). Ces journaux ou hebdomadaires sont par ailleurs évoqués indistinctement sous l’expression « notre grande presse » que l’on retrouve cinq fois sous la plume de Barthes. S’agissant des mythologies non sélectionnées pour le recueil, il convient d’ajouter à cette liste L’Echo de la mode et Aux Écoutes du monde.

Une préférence pour la presse de droite


Ces choix obéissent à deux exigences qui se rejoignent. La première est d’ordre méthodologique : il s’agit de s’appuyer sur des médias susceptibles de véhiculer au mieux le mythe. Dans cette perspective, les titres doivent avoir un tirage conséquent sur l’ensemble du territoire. Ainsi, chez les nouveaux venus, Paris-Match diffuse à 1.800.000 exemplaires en 1958, Elle à 600.000 exemplaires, mais est lu par 1.500.000 lectrices en 1952, L’Express passe de 40.000 exemplaires en 1953 à 170.000 en 1963. Du côté des anciens, en 1959, Le Figaro tire à 487.000 et Le Progrès de Lyon à 391.000. À la question du tirage, il faut naturellement ajouter les ressources techniques qui permettent désormais d’intégrer la photographie, ce que réussit magistralement Paris-Match dont la maquette calquée sur le modèle de Time Life séduit un nombre croissant de lecteurs. Le second critère qui préside au choix barthésien, c’est la couleur politique des journaux et des magazines. Dans les Mythologies, le mythe est « statistiquement » une production de droite. La chose est affirmée, sinon établie, dans l’appendice théorique « Le Mythe aujourd’hui » qui fait suite au recueil. Que Barthes consacre un passage aux mythes de gauche ne change pas grand-chose à l’affaire : Roland Barthes n’a jamais égratigné dans ses chroniques ou ailleurs France-Observateur (1954) puisqu’il y collaborait.

Le Figaro incarne après-guerre un libéralisme ancré dans la lutte contre le totalitarisme, en l’occurrence le marxisme-léninisme et son éditorialiste le plus fameux en est Raymond Aron en 1947 ; son exceptionnelle longévité s’explique par sa capacité à incarner un esprit français conservateur et une tradition journalistique « littéraire ». De grands écrivains ont collaboré par le passé au quotidien et dans les années cinquante, c’est encore le cas, de sorte qu’il a souvent été dit que Le Figaro était le journal des académiciens. Né en 1918, l’hebdomadaire Aux Écoutes – dont le rédacteur en chef fut Maurice Blanchot entre 1933 et 1937 – fut d’abord antiallemand ; lorsqu’il réapparaît après la guerre sous le nouveau nom Aux Écoutes du monde, il défend un conservatisme libéral et s’orientera sans nuance pour une Algérie française, donnant régulièrement voix à Georges Bidault dans ses colonnes. Un de ses dessinateurs les plus en vue n’était autre que Sennep, dont les dessins satiriques paraissaient également dans Le Figaro. Dans les colonnes de ce dernier, on lui doit ainsi qu’à son acolyte Macaigne le feuilleton narratif qui rendait compte sur plusieurs numéros du premier voyage touristique français organisé en URSS. Barthes y consacre une chronique : « La Croisière du Batory ».

Face à ces journaux qui suivent ou font l’opinion politique – et culturelle – de longue date (ce pour quoi ils sont mythiques), d’autres surviennent dans le paysage d’immédiat après-guerre : L’Express et France-Observateur. Fondé en 1953 par Jean-Jacques Servan-Schreiber, éditorialiste du Monde, et Françoise Giroud, directrice du magazine Elle, L’Express promeut certes la politique de Pierre Mendès-France ; bien qu’il soit marqué à gauche, dénonçant la torture en Algérie, répugnant à couvrir les totalitarismes de l’Est ou à ouvrir ses colonnes aux Hussards, L’Express s’adresse à une petite-bourgeoisie montante, une cible que Roland Barthes a épinglée dans « Cuisine Ornementale ». Il y oppose le lectorat de L’Express à celui de Elle, tous deux conçus et animés pourtant par Françoise Giroud. Evoquons enfin le titre Semaine du Monde bien qu’il ne soit cité qu’une fois dans les post-Mythologies. Voilà un hebdomadaire qui fonctionne selon les recettes éprouvées par Paris-Match. Le numéro 62, par exemple, semaine du 15 au 21 janvier 1954, aurait pu inspirer, à l’instar de Paris-Match, la chronique « Conjugales » sur les grands mariages. Dans un style très proche de Match, un important reportage illustré de clichés noir et blanc raconte les désirs modestes d’une richissime héritière : « le rêve le plus cher de la fille du roi de l’étain est de vivre dans notre capitale la vie simple et tranquille des amoureux français. Elle a hâte d’abandonner enfin ses trop fastueux appartements du Scribe et les fiancés cherchent sur les rives de la Seine le petit logis dont, en Ecosse, ils ont rêvé » (pages 3 à 7). Un rêve tout à fait dans le ton de celui de Miss France, satisfaite de son deux-pièces à Palaiseau avec son électricien de mari. Mais Semaine du Monde n’est pourtant pas ce qu’il semble puisque son rédacteur en chef de l’époque n’est autre que François Brigneau, collaborateur, milicien, et journaliste dans de nombreux titres d’extrême droite[17]. On trouvera ci-dessous un extrait bien représentatif de l’esprit du titre, anti-intellectuel et homophobe :

Nous nous sentions peu intellectuels : les « Deux magots » s’intitulant modestement eux-mêmes : « le rendez-vous de l’élite intellectuelle » – nous allâmes donc au Flore au risque d’y rencontrer de ces petits jeunes gens efféminés (surtout ne prononcez pas à la façon de Max Régnier) et piapiateurs que le patron du lieu, M. Boubal, appelle ses « mignons ». Personnellement, ils m’exaspèrent, mais ils amusent Catherine[18].

L’esprit du magazine explique sans doute que Roland Barthes n’ait pas souhaité donné voix supplémentaire à pareille idéologie. Contre la presse de droite, certes, mais il y a des titres qu’il convient de ne pas promouvoir, fusse en les critiquant.



Usage et jouissance


Deux régimes mythologiques


Il serait très délicat d’affirmer que Roland Barthes, lecteur de la presse populaire, a des champs préférés ou des rubriques préférées : il voit tout et il lit tout, depuis la publicité insérée en marge d’un article (« Publicité de la profondeur ») jusqu’au courrier du cœur (« Celle qui voit clair »), l’horoscope (« Astrologie ») et les recettes de cuisine (« Cuisine ornementale ») en passant naturellement par la psychose collective (« Martiens »), le fait divers (« L’Affaire Dupriez »), le sport (« Le Tour de France comme épopée ») et le reportage illustré, aussi bien les crues de la Seine (« Paris n’a pas été inondé ») que la guerre d’Indochine (« Le bifteck et les frites »)[19]. Si disparates qu’ils semblent, ces textes trouvent une unité en ceci qu’ils sont l’argument d’une démonstration politique : condition de l’enfance, condition féminine, conditions des opprimés, rapports Est-Ouest, colonisation.

Toutefois, Roland Barthes n’accorde aucun intérêt direct à la catégorie du grand-reportage politique. L’actualité française et internationale dans la période concernée par les Mythologies est très lourdement chargée. Les lois Laniel de 1953 dont l’objectif était de financer le conflit indochinois en agissant sur la retraite des fonctionnaires jettent sur le pavé quatre millions de travailleurs et conduisent à une paralysie totale du pays ; les accords de Genève du 21 juillet 1955 marquent la fin de la guerre d’Indochine, la Toussaint rouge annonce le début de celle d’Algérie, entraînant la chute du gouvernement Mendès-France et la dissolution de l’Assemblée nationale par Edgar Faure. En nationalisant en 1956 le canal de Suez, Nasser provoque l’invasion d’une moitié du pays par Israël, soutenu en cela par les puissances européennes… Ces événements étaient bien évidemment traités par la grande presse. Ainsi le magazine Paris-Match s’ouvrait-il le plus souvent sur un article de politique intérieure ou internationale, signé par Jean Farran puis par l’un des fondateurs de Match, Raymond Cartier lui-même. Mais ce ne sont pas ces articles de fond, fort longs et peu illustrés, qui se trouvent reversés dans les chroniques.

À partir de ce constat, l’on peut avancer l’existence de deux régimes d’écriture et de chronique. Celle dont le lecteur barthésien est le plus familier, c’est la chronique typiquement mythologique : sous un fait anodin ou banal, Barthes révèle une doublure politique. La mythologie « Le bifteck et les frites » en est un bon exemple, elle qui se présente comme une analyse aux accents bachelardiens sur le steak : selon qu’il est saignant, bleu, ou à point, selon qui le consomme, le célibataire, le bourgeois ou l’intellectuel, le steak informe de sa fonction et de sa valeur d’usage. Mais en deçà, (ou au-delà), il est le signe, avec sa garniture, de la « francité ». Car la chronique est adossée à la guerre d’Indochine et plus particulièrement au retour en France du général de Castries. De fait, le magazine Paris-Match a fait paraître un reportage organisé autour d’une photographie le montrant en captivité en train de manger un bol de riz. Barthes en reprend in extenso la légende : « le général de Castries pour son premier repas demanda des pommes de terre frites », pour conclure que ce désir relevait « d’un rituel d’approbation de l’ethnie française retrouvée[20] ». Le fonctionnement mythologique suit dans l’ensemble un schéma identique : le choix d’une information marginale comme épiphénomène de l’actualité, un message hybride texte-image qui en rend compte, une clausule politique pour en déjouer la dimension mythique.

Toutefois, certains textes échappent à la règle qui révèle un Roland Barthes également sensible aux potentialités de l’analyse du discours ou de l’analyse de contenu. Cette catégorie est particulièrement bien illustrée par « L’Usager de la grève ». De la grève en question dans la chronique, le lecteur contemporain n’apprend pas grand-chose, Barthes mentionnant évasivement « une grève » comme une autre. Il est possible qu’il s’agisse en 1955 d’un rebond national faisant suite aux manifestations dans les chantiers navals de Saint-Nazaire. Quoi qu’il en soit, le propos de Barthes repose tout entier sur une lecture très fine du Figaro comme il repose également, et c’est a priori plus surprenant, sur une comparaison avec le langage de la Restauration[21]. Mais si l’on se souvient sur ce point que Barthes, auteur des Mythologies est en même temps chercheur en lexicologie au CNRS, l’évocation des préfets de Charles X réprimant les grèves devient non seulement claire, mais éclairante en tant qu’elle promeut une analyse transhistorique. Si Dominique Maingueneau distingue très nettement le champ de l’analyse du discours de celui de l’analyse de contenu, la frontière n’est pas aussi nette dans les Mythologies, Barthes empruntant à ceci et à cela. Il n’en demeure pas moins que, à la suite de « L’Usager de la grève », d’autres mythologies suivront davantage l’esprit de l’analyse du discours et/ou de contenu que le procédé mythologique. Aussi « Grammaire africaine », autrement nommée dans Les Lettres nouvelles « Grammaire marocaine », attaque-t-elle frontalement, et non de biais, la phraséologie de la colonisation. Nulle référence ici à l’image ni aux sources, mais une collection de citations orphelines, présentée selon l’ordre alphabétique. Elles ne sont pas sans évoquer les résultats de recherche de Barthes en lexicologie quand il soulignait au cours de ces dépouillements la connotation négative attribuée à des vocables comme « actes séditieux » pour dire la grève. On observera le même procédé de lecture et d’écriture concernant les chroniques « Dominici », « Quelques paroles de M. Poujade » et « Poujade et les intellectuels ». Dès lors, toutes les chroniques du recueil Mythologies ne sont pas mues par une pression scientifique de même nature.

Hors les Mythologies, la presse pour la science


Deux ans après la parution du recueil Mythologies, Roland Barthes s’oriente d’une façon plus décisive vers la sociologie, s’appuyant en cela sur une sémiologie saussurienne mâtinée de la linguistique de Hjelmslev. Le virage est d’autant plus net que la recherche sur les mass-médias est en train de se structurer : adossé à l’EPHE – que Barthes intègre en 1960 – le Centre d’Etudes des Communications de Masse est créé la même année et il se dote de son organe de diffusion : la revue Communications. Dans le contexte de son nouvel emploi, Roland Barthes se dégage complètement du contenu politique des Mythologies, mais ne cesse pas pour autant de travailler sur la presse populaire. Dans le 1er numéro de Communications, il livre « Le Message photographique » qu’il construit sur l’examen des clichés de presse contemporains à l’exception d’un faux historique de « 1951» montrant le sénateur Millard Tydings « conversant avec le leader communiste Earl Browder[22] ». Le corpus est resserré autour du seul Paris-Match, pourtant cité une unique fois, mais dès lors consacré par la science de la communication comme une référence incontournable. Dans ce même numéro un en effet, Claude Frère propose une analyse quantitative et qualitative des 53 Unes de Paris-Match et Violette Morin étudie quant à elle la relation du voyage de Krouchtchev en France à travers sept quotidiens : L’Aurore, Le Monde, L’Humanité, Le Figaro, Le Parisien libéré, Paris-Jour, France-Soir. Et neuf hebdomadaires : Carrefour, L’Express, France-Observateur, France-Dimanche, Point de vue, Jours de France, Noir et blanc et… Paris-Match. Rappeler ces deux articles qui voisinent avec « Le Message photographique » permet de mesurer à quel point la presse populaire est devenue un corpus très exploité comme il permet de mieux voir où vont les intérêts de Barthes : si Match est la principale source du « Message photographique », c’est parce qu’il offre mieux que tous les autres le langage hybride texte-image dont sa recherche a besoin. Le régime de lecture et d’usage s’en trouve ipso facto différent. Les ressources n’adviennent plus comme chez le coiffeur à Roland Barthes, mais elles sont choisies en fonction des nécessités scientifiques, en l’occurrence les procédés de connotation : « truquage » ; « pose » ; « objets » ; « photogénie » ; « esthétisme » ; « syntaxe ». Dans un autre ordre d’idée, on serait fondé à penser qu’entre les chercheurs du CECMAS, les références circulent. Ainsi, dans « Le Message photographique », Barthes fait appel aux « unes » choisies par Claude Frère : Agadir détruite, Elisabeth et Philip, le berceau du fils du Shah d’Iran qui vient de naître…

Sur les 19 collaborations de Barthes à Communications (ou 17 quand on ne compte pas les parutions posthumes), neuf s’inscrivent dans le droit fil de la revue parmi lesquelles figure l’emblématique « Rhétorique de l’image » et sa célèbre reproduction de la publicité Panzani[23]. En tournant le dos à la presse illustrée, Roland Barthes se débarrasse d’un protagoniste encombrant, l’analogon ou encore le message sans code. Pressenti dans les photographies de presse, notamment celles dont Barthes rend compte dans la chronique « Photos-chocs », le message sans code ne pouvait qu’entraver la recherche sémiologique car en lui se déploie une dimension traumatique de l’image qui rend toute connotation impossible. Au chapitre « L’insignifiance photographique », Roland Barthes propose d’ailleurs « une sorte de loi » qui explique son orientation vers la communication publicitaire : « plus le trauma est direct, plus la connotation est difficile ; ou encore : l’effet “mythologique” d’une photographie est inversement proportionnel à son effet traumatique[24] ». Le signifié entièrement construit et maîtrisé de la publicité convient d’autant mieux à la recherche qu’à ce moment-là de son parcours Roland Barthes est engagé auprès de Publicis pour réfléchir sur la communication automobile des usines Renault et auprès de l’IREP pour ses expertises de l’image.

Dans ce contexte, l’usage de la presse populaire s’en trouve à la fois confirmé et réduit. Confirmé parce que seuls des magazines à grand tirage sont à même de faire paraître des publicités, mais réduit en ce sens que la presse populaire n’est plus qu’un support pertinent– un canal – où chercher des exemples pour établir un corpus. Sans doute parce que Roland Barthes a organisé un séminaire « Inventaire des systèmes contemporains de signification : système d’objets » (dans lequel figuraient le vêtement, la nourriture, le logement), les publicités retenues concernent principalement la nourriture : riz et thon aux champignons Amieux, conserves d’Arcy (D’Aucy en fait), café lyophilisé à l’arôme préservé (« Rhétorique de l’image »), le glacé de la bière, le juteux de l’orange, le café décaféiné, l’anglicité du thé (Conférence de Cini[25]). On objectera à juste titre que cette tendance n’est pas confirmée par ce grand poème scientifique, selon le mot d’Eric Marty, qu’est Système de la mode. Mais, d’une part, les sources – Elle, Le Jardin des modes, et dans une moindre mesure Vogue et L’Echo de la mode – sont présentées uniquement dans le corpus, et, d’autre part, bien que paru en 1967, Système de la mode est en fait antérieur à « Rhétorique de l’image », Barthes précisant dans son avant-propos que son travail a commencé en 1957 et s’est achevé en 1963. Dans un article paru la même année dans le revue Réalités, Barthes précisera : « seule, peut-être, la nourriture a autant de place que l’automobile dans le discours des français[26] ».



Pour finir


Sur l’ensemble du parcours barthésien, l’usage de la presse populaire a considérablement évolué. La presse fut d’abord cette parole proférée par la doxa à laquelle Barthes se plaisait de répondre ; à cet égard, elle constitue avec les Mythologies une dialectique de conversation, Barthes campant sur la posture du sujet interpellé par un discours dominant. Le virage sémiologique modifie en profondeur ce rapport. En devenant un corpus pour le chercheur Barthes, la presse à grand tirage cesse d’être un mauvais objet et elle profite dès lors de la caution de la science au contact de laquelle elle s’innocente. Si la charge politique peut encore se manifester dans l’ironie légère de « Rhétorique de l’image », elle s’est malgré tout significativement affaiblie. L’autre bénéfice du passage sous la lampe du sémiologue, c’est de faire la lumière sur les objets quotidiens du monde contemporain. L’effet sémiologique est également esthétique quand il démaquille et fait briller dans leur matité même un poivron, une tomate, des épluchures de citron ciselées, un cendrier en selle de cheval… On n’en finirait pas d’égrainer sur le mode de la litanie les choses qui passent dans le discours théorique et le lecteur se plaît à les voir plutôt que l’appareil scientifique qui, tel un reliquaire, en permet la monstration. Ajouter une nouvelle visibilité à la presse populaire illustrée en la décadrant, en l’éclairant autrement, c’est accomplir un geste que n’auraient peut-être pas renié les courants plastiques du moment, entre Nouveau Réalisme et Pop’art.

Plan



Résumé

Barthes fut un lecteur systématique de la presse populaire dans les années 50-60. Cette inclination ne relevait pas d’un goût purement subjectif, mais d’une nécessité de recherche . Comme lexicologue puis comme sociologue au CNRS, Barthes s’est livré au dépouillement consciencieux de la presse du XIXème siècle et cet apprentissage a profité aux Mythologies. Le présent article a pour objet de faire le point sur les choix barthésiens et leur effet sur l’écriture mythologique au moment où la presse constituée en mass média devient un nouveau champ de recherche.

Mots clefs : CNRS, presse, mythologie, politique, discours


Bibliographie

[1]Maurice Nadeau, « Souvenir de Montmorency », La Quinzaine littéraire, avril 1980, p. 27.

[2]Le directeur de la thèse principale est Charles Bruneau, professeur à la Sorbonne ; celui de la thèse secondaire est Georges Matoré. Selon la tradition du C.N.R.S., Charles Bruneau est le directeur de recherche et Georges Matoré, le parrain.

[3]Signalons que Charles Bruneau, grand historien de la langue, avait été, quatre ans auparavant, le maître d’Algirdas Julien Greimas dont les thèses de doctorat traitaient pour l’une de « La mode en 1830, un essai de description du vocabulaire vestimentaire d’après les journaux de mode de l’époque » et pour l’autre de « Quelques reflets de la vie sociale en 1830 » à partir du même corpus. Roland Barthes s’intégrait donc dans une trame de recherche solidement définie ; dès lors, on comprend mieux pourquoi Système de la Mode se distingue dans son œuvre comme sa thèse.

[4]Dossier C.N.R.S, extrait de la lettre de Georges Matoré, jointe à la candidature de Barthes, 4 décembre 1952 : « les études de monsieur Barthes […] sont fondées sur le concret des mots, selon une méthode objective que la plupart des lexicologues utilisent aujourd’hui […] Monsieur Barthes, grâce à son intelligence et à sa culture […] apportera à cette époque où sont nées la plupart des idées modernes sur la société une contribution de tout premier ordre », in Jacqueline Guittard, Roland Barthes : La photographie ou l’épreuve de l’écriture, thèse soutenue le 20 novembre 2004, Université Paris 7, sous la direction d’Éric Marty.

[5]Ces journaux ou magazines sont cités dans une lettre de recommandation de Charles Bruneau, dossier C.N.R.S., archives du C.N.R.S., Gif-sur-Yvette, in Jacqueline Guittard, Roland Barthes : La photographie ou l’épreuve de l’écriture, op. cit., annexes non paginées.

[6]Christophe Charles, Le Siècle de la presse, Paris, Seuil, 2004, p. 12-13.


[7]Ibidem, p. 13-14-15.

[8]Le Globe a connu plusieurs sous-titres évocateurs : journal philosophique et littéraire (15 août 1826- 3 avril 1827), recueil philosophique et littéraire (5 avril 1827-13 août 1828), recueil philosophique, politique et littéraire (16 août 1828-13 février 1830), journal politique, philosophique et littéraire (15 février-26 décembre 1830), (27 décembre 1830-17 janvier 1831), journal de la doctrine de Saint-Simon (18 janvier-21 août 1831), journal de la religion saint-simonienne (22 août 1831-20 avril 1832).

[9]Le siècle des Saint-Simoniens, disponible à l’adresse : http://www.bnf.fr/documents/dp_saint_simoniens.pdf

[10]Ibidem.

[11]Dossier C.N.R.S., rapport trimestriel de Roland Barthes, 25 février 1953. In Jacqueline Guittard, Roland Barthes : La photographie ou l’épreuve de l’écriture, op. cit., annexes non paginées.

[12]Dossier C.N.R.S., courrier de Charles Bruneau joint au rapport, 25 février 1953. Ibidem.

[13]Le terme sera réutilisé dans Système de la Mode.

[14]BNF NAF 28630, « Fichier », 2ème boîte, « index-glossaire », in Tiphaine Samoyault, Roland Barthes, Paris, Seuil, coll. « Fictions et compagnies », p. 240.

[15]Roland Barthes, Le Plaisir du texte, in Œuvres Complètes, t. 4, édition établie par Éric Marty, Paris, Seuil, 2002 (2e édition), p. 258, 259.

[16]Roland Barthes, « Le visage de Garbo », Mythologies, t. 1, in Œuvres complètes, op. cit., p. 724.

[17]Bien que la mythologie « L’Acteur d’Harcourt » ne soit pas textuellement adossé à la presse, il n’est pas interdit de penser que Roland Barthes a pu feuilleter le très populaire magazine Vedettes créé par le célèbre studio au sortir de la guerre pour offrir des débouchés économiques à ses portraits. Toutefois, la revue née sous l’occupation, au lendemain de l’armistice du 22 juin 1940 a cessé de paraître en 1944. Voir L’Art du portrait selon Harcourt, secrets et techniques, Studio Harcourt, Pearson, 2010, 192 p., et Françoise Denoyelle, Studio Harcourt, Paris, La Manufacture, 1992, 104 p.

[18]Yvan Audouart, « Pour Audouart, depuis que Gréco a changé de nez, Saint-Germain-des Prés a changé d’âme », non paginé, Semaine du monde, du 15 au 21 janvier 1954, n° 62.

[19]Nous ne donnons entre parenthèses que quelques exemples sinon c’est les deux tiers du recueil Mythologies qu’il faudrait citer à l’exception de : « Le Monde où l’on catche », « L’acteur d’Harcourt », « Les Romains au ciném », « Jouets », « Un ouvrier sympathique », « Nautilus et Bateau ivre », « Quelques paroles de M. Poujade », « Billy Graham au Vel’d’Hiv’ », « Photos-chocs », « Le Guide bleu », « La Nouvelle Citroën », « Photogénie électorale », « Continent perdu », « l’Art vocal bourgeois », « Le plastique », « La Grande Famille des hommes », « Au music-Hall », « La Dame aux camélias », « Poujade et les intellectuels ».

[20]Roland Barthes, « Le bifteck et les frites », Mythologies, in Œuvres complètes, t. 1, op. cit., p. 731.

[21]« Aux préfets de Charles X comme aux lecteurs du Figaro d’aujourd’hui, la grève apparaît d’abord comme un défi aux prescriptions de la raison moralisée […] ». Roland Barthes, « L’usager de la grève », Mythologies, in Œuvres complètes, t. 1, op. cit., p. 775.

[22]Roland Barthes, « Le Message photographique », Communications n°1, p. 127-138, in Œuvres complètes, t.1, op. cit., p. 1125.

[23]Soit : « Le Message photographique », 1961, J. Marcus Steiff, « Les études de motivation » (compte-rendu), 1961, « Civilisation de l’image » (compte rendu), 1961, « Œuvre de masse et explication de texte », 1963, « La Vedette : enquêtes d’audience ? » 1963, « La Civiltà dell’immagine » (compte-rendu), 1964, « Rhétorique de l’image », 1964, « Eléments de sémiologie », 1964, « Les Intellectuels et la culture de masse », 1965, « L’Ecriture de l’événement », 1968.

[24]Roland Barthes, « Rhétorique de l’image », in Œuvres complètes, t.1, op.cit., p. 1133.

[25]Roland Barthes, « Sémantique de l’objet », Conférence prononcée en septembre 1964 à la Fondation Cini, à Venise, dans le cadre d’un colloque sur « L’Art et la culture dans la civilisation contemporaine ». Publiée dans le volume Arte et cultura nella civiltà contemporanea, préparé par Piero Nardi, Sansoni, Firenze, 1966. In Œuvres complètes, t. 2, op.cit., p. 817- 827.

[26]Roland Barthes, « Mythologie de l’automobile », revue Réalités, octobre 63, in Œuvres complètes, op.cit., t 2, p. 234.


Auteur

Docteur en histoire et sémiologie du texte et de l’image de l’Université Denis Diderot de Paris 7 depuis novembre 2004, Jacqueline Guittard est membre du CERR/CERCLL depuis 2012 à L’Université de Picardie Jules Verne. Ses recherches portent sur les rapports texte/image ; elle a fait paraître aux éditions du Seuil l’édition illustrée des Mythologies et elle est l’auteur de nombreux articles portant sur la photographie dans l’œuvre de Roland Barthes. Dans une perspective qui demeure sémiologique, sa recherche interroge également l’écriture de la sérialité.


Pour citer cet article

Jacqueline Guittard, « Roland Barthes, lecteur de la presse populaire illustrée » in Jacqueline Guittard & Magali Nachtergael (dir.), Revue Roland Barthes, nº 3, mars 2017 [en ligne]. URL : http://www.roland-barthes.org/article_guittard.html [Site consulté le DATE].


1Maurice Nadeau, « Souvenir de Montmorency », La Quinzaine littéraire, avril 1980, p. 27.

2Le directeur de la thèse principale est Charles Bruneau, professeur à la Sorbonne ; celui de la thèse secondaire est Georges Matoré. Selon la tradition du C.N.R.S., Charles Bruneau est le directeur de recherche et Georges Matoré, le parrain.

3Signalons que Charles Bruneau, grand historien de la langue, avait été, quatre ans auparavant, le maître d’Algirdas Julien Greimas dont les thèses de doctorat traitaient pour l’une de « La mode en 1830, un essai de description du vocabulaire vestimentaire d’après les journaux de mode de l’époque » et pour l’autre de « Quelques reflets de la vie sociale en 1830 » à partir du même corpus. Roland Barthes s’intégrait donc dans une trame de recherche solidement définie ; dès lors, on comprend mieux pourquoi Système de la Mode se distingue dans son œuvre comme sa thèse.

4Dossier C.N.R.S, extrait de la lettre de Georges Matoré, jointe à la candidature de Barthes, 4 décembre 1952 : « les études de monsieur Barthes […] sont fondées sur le concret des mots, selon une méthode objective que la plupart des lexicologues utilisent aujourd’hui […] Monsieur Barthes, grâce à son intelligence et à sa culture […] apportera à cette époque où sont nées la plupart des idées modernes sur la société une contribution de tout premier ordre », in Jacqueline Guittard, Roland Barthes : La photographie ou l’épreuve de l’écriture, thèse soutenue le 20 novembre 2004, Université Paris 7, sous la direction d’Éric Marty.

5Ces journaux ou magazines sont cités dans une lettre de recommandation de Charles Bruneau, dossier C.N.R.S., archives du C.N.R.S., Gif-sur-Yvette, in Jacqueline Guittard, Roland Barthes : La photographie ou l’épreuve de l’écriture, op. cit., annexes non paginées.

6Christophe Charles, Le Siècle de la presse, Paris, Seuil, 2004, p. 12-13.

7Ibidem, p. 13-14-15.

8Le Globe a connu plusieurs sous-titres évocateurs : journal philosophique et littéraire (15 août 1826- 3 avril 1827), recueil philosophique et littéraire (5 avril 1827-13 août 1828), recueil philosophique, politique et littéraire (16 août 1828-13 février 1830), journal politique, philosophique et littéraire (15 février-26 décembre 1830), (27 décembre 1830-17 janvier 1831), journal de la doctrine de Saint-Simon (18 janvier-21 août 1831), journal de la religion saint-simonienne (22 août 1831-20 avril 1832).

9Le siècle des Saint-Simoniens, disponible à l’adresse : http://www.bnf.fr/documents/dp_saint_simoniens.pdf

10Ibidem.

11Dossier C.N.R.S., rapport trimestriel de Roland Barthes, 25 février 1953. In Jacqueline Guittard, Roland Barthes : La photographie ou l’épreuve de l’écriture, op. cit., annexes non paginées.

12Dossier C.N.R.S., courrier de Charles Bruneau joint au rapport, 25 février 1953. Ibidem.

13Le terme sera réutilisé dans Système de la Mode.

14BNF NAF 28630, « Fichier », 2ème boîte, « index-glossaire », in Tiphaine Samoyault, Roland Barthes, Paris, Seuil, coll. « Fictions et compagnies », p. 240.

15Roland Barthes, Le Plaisir du texte, in Œuvres Complètes, t. 4, édition établie par Éric Marty, Paris, Seuil, 2002 (2e édition), p. 258, 259.

16Roland Barthes, « Le visage de Garbo », Mythologies, t. 1, in Œuvres complètes, op. cit., p. 724.

17Bien que la mythologie « L’Acteur d’Harcourt » ne soit pas textuellement adossé à la presse, il n’est pas interdit de penser que Roland Barthes a pu feuilleter le très populaire magazine Vedettes créé par le célèbre studio au sortir de la guerre pour offrir des débouchés économiques à ses portraits. Toutefois, la revue née sous l’occupation, au lendemain de l’armistice du 22 juin 1940 a cessé de paraître en 1944. Voir L’Art du portrait selon Harcourt, secrets et techniques, Studio Harcourt, Pearson, 2010, 192 p., et Françoise Denoyelle, Studio Harcourt, Paris, La Manufacture, 1992, 104 p.

18Yvan Audouart, « Pour Audouart, depuis que Gréco a changé de nez, Saint-Germain-des Prés a changé d’âme », non paginé, Semaine du monde, du 15 au 21 janvier 1954, n° 62.

19Nous ne donnons entre parenthèses que quelques exemples sinon c’est les deux tiers du recueil Mythologies qu’il faudrait citer à l’exception de : « Le Monde où l’on catche », « L’acteur d’Harcourt », « Les Romains au ciném », « Jouets », « Un ouvrier sympathique », « Nautilus et Bateau ivre », « Quelques paroles de M. Poujade », « Billy Graham au Vel’d’Hiv’ », « Photos-chocs », « Le Guide bleu », « La Nouvelle Citroën », « Photogénie électorale », « Continent perdu », « l’Art vocal bourgeois », « Le plastique », « La Grande Famille des hommes », « Au music-Hall », « La Dame aux camélias », « Poujade et les intellectuels ».

20Roland Barthes, « Le bifteck et les frites », Mythologies, in Œuvres complètes, t. 1, op. cit., p. 731.

21« Aux préfets de Charles X comme aux lecteurs du Figaro d’aujourd’hui, la grève apparaît d’abord comme un défi aux prescriptions de la raison moralisée […] ». Roland Barthes, « L’usager de la grève », Mythologies, in Œuvres complètes, t. 1, op. cit., p. 775.

22Roland Barthes, « Le Message photographique », Communications n°1, p. 127-138, in Œuvres complètes, t.1, op. cit., p. 1125.

23Soit : « Le Message photographique », 1961, J. Marcus Steiff, « Les études de motivation » (compte-rendu), 1961, « Civilisation de l’image » (compte rendu), 1961, « Œuvre de masse et explication de texte », 1963, « La Vedette : enquêtes d’audience ? » 1963, « La Civiltà dell’immagine » (compte-rendu), 1964, « Rhétorique de l’image », 1964, « Eléments de sémiologie », 1964, « Les Intellectuels et la culture de masse », 1965, « L’Ecriture de l’événement », 1968.

24Roland Barthes, « Rhétorique de l’image », in Œuvres complètes, t.1, op.cit., p. 1133.

25Roland Barthes, « Sémantique de l’objet », Conférence prononcée en septembre 1964 à la Fondation Cini, à Venise, dans le cadre d’un colloque sur « L’Art et la culture dans la civilisation contemporaine ». Publiée dans le volume Arte et cultura nella civiltà contemporanea, préparé par Piero Nardi, Sansoni, Firenze, 1966. In Œuvres complètes, t. 2, op.cit., p. 817- 827.

26Roland Barthes, « Mythologie de l’automobile », revue Réalités, octobre 63, in Œuvres complètes, op.cit., t 2, p. 234.